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La fausse couche, parlons-en !

Mathilde Mironi 17 mai 2022 14:56:56
La fausse couche parlons-en

J’ai longtemps réfléchi avant d’écrire cet article. J’aurais pu vous parler de chiffres et de statistiques pour vous expliquer à quel point l’arrêt naturel de grossesse est courant. C’est vrai, et c’est bien de le dire. Mais il ne s’agit pas non plus de banaliser la fausse couche et de la mettre sous silence. Parce que quand ça nous arrive, c’est tout sauf banal.

Ces derniers temps, on voit que la parole se libère. Des célébrités comme Amel Bent, Marlène Schiappa, Enora Malagré, Meghan Markle, Michelle Obama en parlent à cœur ouvert et je trouve ça bien. Je trouve ça bien de donner l’opportunité aux femmes qui ont envie de parler de ce sujet de le faire et surtout, je trouve ça bien de dire à toutes celles qui le vivent qu’elles ne sont pas seules.

Car oui, vous n’êtes pas seule. Comme Lola, Justine, Sandie, Liz, Anna et tant d’autres femmes, j’ai moi aussi vécu une fausse couche et je pense qu’il est temps de lever ce tabou, bien souvent couvert d’un sentiment de honte qui n’est pas justifié, pour faire cesser ce deuil solitaire.

Tout un monde qui s’écroule

À partir du moment où on le sait que l’on porte un bébé dans son ventre, que ce soit depuis 2 jours, 2 semaines, 2 mois ou plus, on le porte aussi dans sa tête. La joie est souvent immédiate, les projections aussi ! On prend les premiers rendez-vous, on en parle à nos proches, on calcule la date approximative du terme, on réfléchit à un prénom…

Alors, quand la grossesse s’arrête subitement, c’est tout un monde qui s’écroule ! Un arrêt naturel de grossesse, c’est le vide, le point d’arrêt. Certaines femmes s’en remettent assez vite, pour d’autres ça peut être un drame dévastateur.

“C’est dur. Pendant 3 mois, je sentais sa présence en moi. Aujourd’hui, il n’est plus là, je suis vide.”

Vient ensuite le processus de deuil. Une période de souffrance très difficile, parfois incomprise, voire niée par l’entourage. Car une grossesse qui s’arrête tôt n’existe nulle part.

Une prise en charge parfois brutale

Bien sûr, tout le monde a déjà entendu parler de fausse couche, tout le monde sait que c’est plus ou moins courant, que ça peut arriver pendant les trois premiers mois de grossesse, mais personne ne sait vraiment comment ça se passe concrètement avant de l’avoir vécu. Résultat : à force d’en faire tout un secret, les femmes qui le vivent se retrouvent parfois complètement démunies. En plus, il arrive qu’elles soient confrontées à des soignants qui manquent de tact et d’empathie.

“Le cœur s’est arrêté, c’est fini. Bon bah, vous allez juste avoir de grosses règles.” ou “Vous avez déjà un autre enfant ? Oh bah ça va, ça marchera la prochaine fois ! C’est vraiment difficile quand vous n’avez pas d’enfants. ”

Pourquoi ne pas dire les choses de manière claire, mais douce ? N’est-ce vraiment qu’une question de manque de temps ou un manque de formation, d’humanité ? Parce que quand on est de l’autre côté et qu’on comprend que l’on est en train de vivre une fausse couche, on est complètement paniquée, on est terrifiée à l’idée de ce qu’on peut voir tomber dans les toilettes, on ne sait pas s’il faut aller aux urgences ou laisser faire la nature.

Personnellement, le jour où j’ai vécu un arrêt naturel de grossesse, j’ai eu la chance de tomber sur une sage-femme adorable qui m’a tout de suite reçue dans son cabinet entre deux patientes quand je lui ai parlé de saignements. Elle m’a rassuré pour me dire que je n’étais pas responsable de l’arrêt de cette grossesse, elle a répondu à mes questions, a accueilli mes larmes et a gentiment repris de mes nouvelles le lendemain. C’est important pour moi de dire que la bienveillance médicale existe aussi.

Concrètement, comment ça se passe un arrêt naturel de grossesse ?

Dans certains cas, la grossesse s’arrête et s’évacue naturellement, mais il faut parfois une intervention médicale. Il est vraiment recommandé de consulter un médecin, même si vous êtes certaine que votre grossesse s’est interrompue, car il faut vérifier qu’il n’y a pas d’hémorragie et que tout a bien été évacué.

Pour quelques femmes, l’arrêt naturel de grossesse se manifeste par des saignements qui peuvent durer plusieurs jours et des douleurs au ventre. C’est ce que raconte Anna qui se sentait “dévastée par l’aspect corporel. J’avais mal, je saignais la rage”.

D’autres arrêts naturels de grossesse sont beaucoup plus silencieux, certaines les découvrent lors d’une échographie. C’est ce qu’a vécu Sandie : “ Et là, au moment de l'échographie, c’est le drame. Je me sens désemparée, triste et en colère. Je sors du cabinet anéantie. Je me sentais tellement vide que sur l’instant, j'ai eu envie de mourir.”

On lui a alors proposé de prendre des médicaments, “les mêmes que pour une IVG. Psychologiquement, c'est tellement contradictoire de prendre ces cachets après un parcours PMA et quand on désire un enfant. La nuit a été très longue, je n’ai fait que pleurer, pleurer l’enfant que la vie m’a arraché.” Quelques semaines plus tard, la souffrance morale est encore bien présente. “Demain, j’étais censé faire ma première échographie. Ça me dévaste, j’ai l’impression qu’on a volé mon bonheur, je me sens vide et malheureuse.”

Fausse couche, vrai deuil

Aujourd’hui, le terme “fausse couche” laisse de plus en plus la place à celui “d’arrêt naturel de grossesse”. Ce terme est certainement moins violent, parce qu’on ne peut pas insinuer qu’une grossesse est fausse et que par extension le deuil l’est aussi.

Lorsqu’on perd un bébé en début de grossesse, certains considèrent alors que cela n’a rien de grave et se permettent d’avoir des paroles déplacées :

“Ah, c’est rien, c’était pas le bon moment ! C’est que ça ne devait pas se faire et pis c’est tout ! Tu en auras d’autres des grossesses…”

C’est normal de ne pas être à l’aise avec ce sujet, de ne pas savoir quoi dire quand une femme nous annonce qu’elle a vécu une fausse couche, mais essayons quand même d’être vigilants ! Malgré les sourires affichés, on ne sait pas comment cet événement est vécu intérieurement. On pourrait par exemple tout simplement dire : “J’imagine que c’est difficile. Tu as le droit d’être triste. Si tu as besoin d’en parler, je suis là.”

Laissez-vous du temps

Après cette épreuve difficile, certaines ressentent le besoin d’écrire, c’est ce qu’à fait Sandra Lorenzo en écrivant un livre “Une fausse couche comme les autres”.

“Tout autour de moi semblait me dire de reprendre ma vie sans me retourner, de ne pas donner trop d’importance à cette “fausse grossesse”. Le deuil m’a finalement rattrapé. Car la vie a repris son cours, mais moi, j’ai fait du surplace.”

Alors pour finir cet article, j’ai envie de vous dire, après avoir écouté et lu les témoignages de nombreuses femmes, qu’il me semble que la douleur peut devenir, au fil du temps, supportable. J’ai le sentiment que certaines sont portées par ces enfants qu’elles n’ont jamais pu tenir dans leurs bras et qu’elles finissent toujours par trouver la force de se reconstruire.

Vous qui vivez un deuil périnatal, peu importe le stade de grossesse auquel vous avez perdu votre bébé, vous avez le droit d’être triste, en colère, abattu... Vos sentiments sont légitimes ! Laissez-vous le droit de vivre chaque étape de votre deuil, à votre rythme et à votre façon. Ne perdez pas espoir, vous finirez par aller mieux.

Pour aller plus loin :

  • Le livre “Une fausse couche comme les autres” de Sandra Lorenzo
  • Les témoignages sur la fausse couche sur le blog de la mariée en colère.
  • Le collectif “Fausse couche, vrai vécu”